ThisIsACoup

CJ14f0JUsAA9cOqOn était nombreux à craindre le retour de colonels en Grèce, à scruter le moindre mouvement de l’armée… Mais plus besoin de putsch dans l’Europe telle qu’elle va dorénavant pour défaire un pouvoir démocratiquement élu.

Coup d’État: renversement du pouvoir par une personne investie d’une autorité, de façon illégale et souvent brutale, nous disent les dictionnaires. C’est donc bien d’un coup d’État en Grèce qu’il s’agit. Paul Krugman ne s’y est pas trompé:  « Les demandes de l’Eurogroupe sont folles. Le hashtag à la mode ThisIsACoup est tout à fait juste » affirme ainsi le prix Nobel d’économie.  « Cela va au-delà du sévère, vers l’envie de vengeance, la destruction totale de la souveraineté nationale et aucun espoir de soulagement. » ajoutant: « C’est conçu, on peut le supposer, pour être une proposition que la Grèce ne peut pas accepter, mais, même ainsi, c’est une trahison grotesque de tout ce que le projet européen était censé représenter ».

Un crime contre la démocratie

« Le crime contre la démocratie qui a été commis dans cet accord est une abomination. Voir qu’une coalition d’États disent: « on veut bien vous aider à vous sortir de la catastrophe dans laquelle on vous a largement plongé par les politiques qu’on vous a imposées à une seule condition c’est qu’il n’y ait plus d’État grec et que quand vous voulez votez une loi, vous nous demandiez la permission. C’est un crime contre la démocratie et quelque chose qui pour le coup est historique » analyse Jacques Généreux.

Et de fait les exigences ahurissantes de l’Eurogroupe ont été avalisées par les Dix neuf. Il n’est que le lire le texte de l’accord pour s’en convaincre.

« Contre le Chili d’Allende, ils ont fait agir le syndicat patronal des camionneurs, cette fois la Troïka a utilisé le blocus financier organisé par la BCE. L’objectif est le même: effacer une victoire populaire. Alexis Tsipras aura pourtant lutté pied à pied pour éviter une situation de banqueroute à son pays. Son gouvernement aura résisté à l’ordre austéritaire comme aucun autre ne l’a fait. Mais le rapport de force était trop inégal à partir du moment où la France se rangeait derrière l’Allemagne. Car au final François Hollande n’aura fait qu’accompagner les brutalités allemandes et son chantage au Grexit. » déclare le Parti de Gauche.

Le récit que fait Y.  Varoufakis du fonctionnement des instances européennes est proprement édifiant:

  • « Absence complète de tous scrupules démocratiques, de la part des supposés défenseurs de la démocratie européenne »
  • « Vous avancez un argument sur lequel vous avez réellement travaillé – pour être sûr que c’est logiquement cohérent – et vous rencontrez des regards vides. C’est comme si vous n’aviez pas parlé. Ce que vous dites est indépendant de ce qu’ils disent. Vous auriez pu aussi bien chanter l’hymne national suédois – vous auriez eu la même réponse. »
  • « Schäuble était d’une grande cohérence. Son option était « Je ne suis pas en train de discuter le programme – il a été accepté par le précédent gouvernement et nous ne pouvons pas permettre à une élection de changer quoi que ce soit. Parce que nous avons tout le temps des élections, nous sommes 19, si à chaque fois qu’il y a une élection quelque chose change, les contrats entre nous ne voudraient plus rien dire ». Aussi à ce point il ne me restait plus qu’à me lever et à dire: « Bon peut-être que nous ne devrions plus jamais organiser des élections dans les pays endettés », et il n’y a pas eu de réponse. La seule interprétation que je puisse donner c’est « Oui, ce serait une bonne idée, mais elle serait difficile à mettre en application. Donc soit vous signez sur la ligne en pointillé, soit vous sortez. »

Le cadre même de la réunion: une discussion de 13 heures, sans pause, dont l’une des parties, – la Grèce- ne dispose d’aucune liberté montre qu’elle s’est manifestement apparentée à un chantage sur le Premier ministre grec, un « revolver sur la tempe »…  ôtant ainsi toute légitimité à son résultat.

Refuser cet accord contraint

S’il est mis en pratique, l’accord du 13 juillet signifiera la poursuite de l’austérité en Grèce, en totale contradiction avec le résultat du référendum; ce nouveau diktat imposé à la Grèce  la place dans le rôle d’un protectorat. Ce plan ne sera pas plus tenable que les précédents. Il s’agit en fait d’imposer une défaite politique à un gouvernement et à un peuple qui ont osé résister. Et de chercher à éviter ainsi la contagion possible à l’Espagne, en France,… où partout ces politiques d’austérité font des ravages et sont de plus en plus rejetées par la population. Il n’est que de voir la mise en coupe réglée de nos services publics locaux, à Limoges comme ailleurs, au prétexte de la lutte contre la dette et les déficits.

Une alternative est pourtant possible au plan négocié entre l’Eurogroupe et A. Tsipras, comme le montre Éric Toussaint du CADTM (Comité d’annulation de la dette du Tiers-Monde) : « Il est possible de rester dans la zone euro tout en prenant de manière souveraine une série de mesures d’autodéfense et de relance de l’économie », notamment en réquisitionnant la Banque centrale grecque, en créant une monnaie électronique à usage interne (libellée en euros), en émettant des titres publics en papier sous forme de IOU’s équivalents à des billets d’euros,…

Il ne faut donc pas soutenir cet accord contraint. Marie-Georges Buffet a annoncé: « Mercredi, le parlement va être, par défaut, une fois l’affaire réglée, consulté sur le résultat d’une mise en cause sans précédent du droit d’un peuple à décider de son avenir, pour moi c’est clair, le vote contre. » Et pour le Parti de Gauche, Éric Coquerel a déclaré, à juste raison: « Nous appelons l’Assemblée Nationale à refuser l’accord de l’Eurogroupe »

(3 commentaires)

    • LAURENT on 17 juillet 2015 at 16 h 55 min
    • Répondre

    Bonjour
    Certes c’est un coup d’état , non pas militaire , mais financier . Ceci étant dit les peuples ( Grèce ) ( France) ont le gouvernement qu’ils méritent .
    Surtout nous Français ne rions pas , car si rien ne change dans moins de 5 ans se sera notre tour !

    1. Notre tour n’est-il pas déjà largement engagé ? Ce qui se passe en Grèce nous concerne directement au même titre que sont concernés tous les peuples européens. Quant à juger le gouvernement grec, je crois qu’il faut de la mesure et ne pas confondre la victime et le bourreau. Et surtout éviter de reproduire sur une situation totalement inédite nos schémas « automatiques » de réponse sur la « trahison des politiques dès qu’ils sont élus ». Il me semble que ce qui se passe en Grèce est d’une tout autre portée. Et certes, on sait qu’il faut toujours se méfier des sondages, mais les Grecs semblent eux-aussi assez mesurés dans leurs réactions: http://www.okeanews.fr/20150718-sondage-syriza-toujours-en-tete-et-les-grecs-pour-rester-dans-leuro
      Ce qui est en jeu je crois sur le fond c’est comment, par quel(s) chemin(s) concret(s) on sort de cette Europe là pour en créer une autre ici et maintenant. Intéressants de ce point de vue ce très long papier: Le diktat de Bruxelles et le dilemme de Syriza: http://blogs.mediapart.fr/blog/ebalibar/190715/etienne-balibar-sandro-mezzadra-frieder-otto-wolf-le-diktat-de-bruxelles-et-le-dilemme-de-syriza et aussi l’analyse de Varoufakis: Pourquoi j’ai voté contre:http://www.okeanews.fr/20150720-pourquoi-jai-vote-contre-par-yanis-varoufakis (sur l’alternative qu’il évoque, voir dans mon article de blog le lien aux propositions du CADTM).

  1. Panagiotis (le blogue ce cet anthropologue se nomme GreekCrisis) nous sort le texte d’une convention internationale que je ne connaissais même pas. Dont deux articles disent clairement qu’un « accord » signé sous la contrainte est tout simplement nul et non avenu. Ce qui est le cas.

    Mélenchon tire de ce nouvel épisode grec une conclusion qui me convient : il est indispensable d’avoir une sortie de secours, un plan B, et il ne faut pas hésiter à l’utiliser si on ne parvient pas à ses fins. C’est à dire envoyer l’Euro et l’Europe se faire voir chez les Grecs. ;o) Sauf le respect que je dois à un vieil ami franco-grec et aux siens.

    Ce dernier épisode aura au moins un avantage énorme : les tenants d’une sortie de l’euro ne sont plus regardés comme des chiens galeux nationalistes limite fachos et il redevient possible de discuter ouvertement de l’euro comme de l’Europe au sein de la gauche. Souvenons-nous : il y a peu on nous serinait encore cette « Europe qui protège ». La chanson a brutalement pris un sacré coup de vieux. ;o)

    La mort de l’Europe est annoncée et c’est l’Europe qui l’a tuée. Il est fort douteux en effet que 18 ou 27 pays renversent la table, du même côté, au même moment…

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